L'abri pour projecteur de la batterie française des Arros

Localisé par des sondages en nous appuyant sur des documents d'archives, l'ouvrage en béton construit en 1938-1939 pour abriter le projecteur de la batterie française de l'épi des Arros a fait l'objet d'une fouille menée par le groupe archéologique...

Cette opération, organisée sur une journée, a permis de vérifier certains éléments qui étaient restés jusque-là de simple données sur le papier, de situer précisément et orienter cet abri et sa plateforme, mais également d'apprendre quelles ont été les teintes de camouflage retenues par la marine française,  ou encore ce qu'il était advenu de ces constructions totalement disparues aujourd'hui...

Lors de l'opération de sondages menée en juin 2013 sur le plateau dunaire, les vestiges atteints ont été identifiés comme appartenant à l'extrémité sud de la plateforme jouxtant l'abri. Cet élément nous a permis d'établir le plan de décapage pour l'opération de fouilles.



Ci-dessous, la base d'un mur en béton comportant un camouflage trois tons... Il s'agit des vestiges du mur situé à l'arrière de la plateforme et retenant la dune. 




Septembre 2013 : Etude des restes de l'ouvrage 

Après un premier décaissement avec le tractopelle, les vestiges de murs encore en place et les fragments de béton analysés révèlent rapidement qu'une démolition mécanique de l'ouvrage a été opérée. 


La poursuite de la fouille est faite manuellement... pour aboutir au dégagement presque complet de l'abri et à celui de la plateforme sur un tiers de sa largeur.


L'abri comprenant à l'origine une unique salle de 4,60 m sur 6 m pour le projecteur de 150 cm a été transformé en local pour personnel : L'entrée de l'abri a été en partie murée pour ne laisser qu'une entrée pour le personnel et le sol en béton a été recouvert de carreaux bitumeux identiques à ceux employés dans les bunkers. Le local a été divisé en deux parties par l'élévation d'une cloison en briques qui conserve une ouverture de 80 cm pour le passage d'une pièce à l'autre. Il ne subsiste que l'empreinte de cette cloison sur la partie du local qui a été nettoyée. 

Sur le mur du fond de l'abri, se trouvant dans la seconde salle du fait du cloisonnement, on remarque des restes de fixations scellées dans le béton. Leur écartement nous évoque des fixations de couchettes repliables... mais ce qui subsiste du mur se limitant à une soixantaine de centimètres de hauteur, les hypothétiques fixations supérieures ont disparu.
La partie basse du mur est peinte en noir tandis que la partie supérieure présente deux teintes qui se côtoient. Il semble que les teintes rose et noire datent de la même période et qu'elles soient antérieures à l'encastrement des fixations citées précédemment. Toutefois, elles rappellent fortement les décorations murales appliquées par les Allemands dans divers abris du mur de l'Atlantique et cette plinthe noire est typique. 
La couleur ocre visible sur ce mur intérieur pourrait être en fait une forme d'oxydation.


Vue de son extrémité nord, la plateforme qui a été amputée de ses 5 ou 6 derniers mètres a perdu sa célèbre rose des vents, visible sur une rare photo de l'abri prise pendant l'occupation du site par la marine allemande. D'après les relevés que nous avons effectués, nous sommes certains que le prolongement de cette plateforme, vers le nord, s'est trouvé sur le tracé du chemin reliant le nouvel abri et la nouvelle cuve pour projecteur réalisés en 1943, conduisant les Allemands à la raccourcir...
La partie de mur qui la borde à droite présente encore de nombreux restes de peinture de camouflage, visibles sur la seconde photo ci-dessous.



Bilan de l'opération de fouilles

Ayant quelques données sur les dimensions de l'ouvrage, notamment en ce qui concerne sa hauteur sous plafond, et intégrant cela au relief actuel du terrain, nous savions qu'il avait dû être démoli avant d'entreprendre les recherches, mais nous souhaitions explorer la couche archéologique afin d'exploiter les derniers vestiges potentiels susceptibles de nous éclairer sur cette partie méconnue du site.
Les restes qui ont été dégagés sont significatifs et très exploitables. Ils nous apportent un éclairage sur la construction elle-même, mais également sur sa réutilisation pendant la période d'occupation du site par la marine de guerre allemande. Toutefois, plusieurs hypothèses peuvent être avancées concernant la transformation de cet abri technique en logement : Abri pour personnel durant la construction des ouvrages en 1943, réutilisation afin d'augmenter la capacité de logement sur le site de la batterie... D'autres propositions restent recevables. 
Ce qui reste néanmoins acquis, c'est que la fonction initiale de cet ouvrage a perduré pendant les trois premières années d'occupation. Dès lors que le projecteur a disposé de son nouveau support et de son abri dédié de type Fl277, l'abri français est devenu obsolète et a été reconverti.


Démolition de l'abri

L'étude de photographies aériennes d'après-guerre révèle le maintien de cet abri au moins jusqu'en 1962. Dès 1970, cette partie du plateau dunaire apparaît comme remanié et les structures encore décelables bien après la fin des combats ont totalement disparu. Les années 60 semblent donc avoir connu une phase de travaux intégrant la démolition et l'enfouissement de certains vestiges de cette partie nord de la batterie des Arros.
L'initiative et les raisons de cet aménagement serait, d'après nous, à rechercher dans les archives du Grand Port Maritime de Bordeaux, en charge des travaux dunaires du secteur à cette époque. 
Nous avons profité de ce chantier pour prospecter la zone d'implantation présumée de la cuve construite par les Allemands pour supporter le projecteur de 150 cm, en remplacement de la plateforme française. Tous nos sondages se sont avérés infructueux et semblent confirmer que cette cuve a été démolie en même temps que l'abri français, lors des travaux de ré-aménagement de la parcelle. 

Remerciements

Notre équipe tiens à remercier l'agent de l'Office National des Forêts pour son autorisation de recherches ainsi que monsieur Bidalun, maire de la commune du Verdon-sur-mer, et le service technique pour l'intervention menée avec l'engin de travaux publics.